Extrait de la Lettre du Club Félinotechnique Royal Canin N° 14 - Mai Juin Juillet 2003 :
Pour l’éleveur passionné, le renouvellement des reproducteurs est primordial, mais il est
tout aussi souhaitable que des chats non destinés à la reproduction, et vendus comme animaux de compagnie, ne soient pas accouplés. Face à ce problème, les éleveurs Outre-Atlantique pratiquent depuis de nombreuses années la stérilisation dite « précoce ». En France, ces opérations, pratiquées entre 2 et 3 mois, sont toujours l’objet de vives polémiques. De nombreux éleveurs Français se mettent à réaliser cette pratique souvent mal vue par les particuliers, mais ceci permet de garantir à l'éleveur que l’acheteur ne fera pas reproduire à outrance la chatte bien souvent avec le premier male venu, ou de vendre des chatons à droite à gauche sans vaccins et sans papiers.
Stérilisation précoce et idées reçues
La croissanceOn dit souvent que la stérilisation réalisée lors du jeune âge entraîne
une croissance réduite, et donc de petits individus. Or, les hormones sexuelles ( testostérone et œstradiol) interviennent dans la fermeture des cartilages de croissance, ce qui pourrait au contraire laisser penser à une croissance plus importante. Des études statistiques, réalisées aux Etats-Unis, ne montrent pas ou très peu de différence de fermeture des cartilages de croissance et de taille adulte, que le chat ait été stérilisé à 7 semaines ou à 7 mois. Eventuellement, il faut alors s’attendre à ce que le chaton soit très légèrement plus grand en fin de croissance.
Les calculs urinaires chez le mâleLa castration précoce du chat mâle a longtemps été accusée de favoriser l’apparition de calculs urinaires, par diminution du diamètre de l’urètre (conduit reliant la vessie au méat urinaire). Des mesures ont été réalisées en comparant les diamètres urétraux de chats castrés à 7 semaines et à 7 mois et n’ont montré aucunes différences. La castration précoce n’est donc pas en soi un risque supplémentaire de calculs urinaires. Par contre, le développement du pénis est limité chez les animaux castrés très jeunes, et son extériorisation devient alors plus difficile que chez des animaux castrés plus tardivement.
L 'obésitéBien que l’obésité puisse survenir chez tous les chats (castrés ou entiers) et que
l’activité et la nourriture jouent un rôle prépondérant, les animaux castrés ont un risque
d' 'obésité plus élevé, du fait d'une diminution des besoins énergétiques liés à la castration.
La stérilisation précoce n’entraîne en tous cas pas de hausse de ce risque
par rapport à une stérilisation plus tardive. Il convient, quel que soit l’âge de l’opération, d’adopter des mesures préventives de la prise de poids.
Les avantages de la stérilisation précoce
Les Tumeurs mammairesLes chattes stérilisées ont environ sept fois moins de risques que leurs congénères intactes de développer une tumeur mammaire. Chez la chatte, ces tumeurs sont d’ailleurs souvent de très
mauvais pronostic (90% de malignité).
Pour réduire ce risque au maximum, il convient de stériliser les chattes avant leurs premières chaleurs, ce qui n'est pas toujours le cas des femelles opérées aux alentours de 7 ou 8 mois.
La reproduction non désiréeSelon le même principe, nombreux sont les propriétaires de chattes qui pensent bien faire
en attendant que les premières chaleurs de la femelle soient passées pour pratiquer
la stérilisation, voire même qui partent du principe qu’une chatte a « besoin »
d 'avoir une portée dans sa vie. Cette position, terriblement anthropomorphique contribue au développement de la population de chats errants en France, puisqu'il n'est pas toujours facile de placer les chatons issus de ces portées.
Pour les chattes de race, cela conduit fréquemment à deux situations : soit une mésalliance avec un sympathique (mais néanmoins peu adapté) chat de gouttière, soit un accouplement non raisonné avec un mâle de la même race, mais sans réelle sélection.
L'anesthésie du chaton, un risque majeur ?
Il est évident que l’anesthésie d’un chaton de 2 mois est plus délicate, et nécessite une expérience particulière. Ceci étant, pratiquée dans de bonnes conditions, elle ne présente pas plus de risques que quelques stérilisations effectuées à 8 mois !
L'état général du chaton est primordial seul des animaux en bonne santé, et correctement
vermifugés (attention au risque d'anémie) pourront être opérés.
Chez le chaton, le risque d’hypoglycémie est plus important que chez un adulte : en effet, les chatons ont plus de mal à maintenir une glycémie normale en l’absence de repas. La mise à jeun chez les chatons doit donc s’effectuer plus tardivement. Un délai de 4 à 5 heures entre le dernier repas et la chirurgie doit être respecté. Dès que le réveil est complètement obtenu, un repas devra être proposé dans l’heure. Ce repas, proposé à la clinique, aura tout avantage â être sous forme humide ou réhydraté, pour compenser les pertes en eau, proportionnellement plus importantes chez les animaux de petite taille. Les gammes d’aliments vétérinaires proposent d’ailleurs des produits parfaitement adaptés à cette indication. Enfin, les suites opératoires sont souvent moins difficiles pour le chaton que pour l’adulte.
La stérilisation précoce est une alternative à la stérilisation tardive, qui doit progressivement être prise en compte en France. Sans pour autant la rendre systématique.
l'éleveur doit en connaître les avantages et les inconvénients. Pour le chaton de race, comme pour celui de gouttière, c’est en tous cas un moyen infaillible d’éviter la naissance de portées non désirées.
Dr Elise Malandain, Docteur vétérinaire Unité de médecine de l'élevage et du sport Ecole Nationale Vétérinaire D 'Alfort